Au moment où la République rendait un bel hommage à Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay, nous honorions la mémoire du résistant Eugène Alliot, notre ancien maire, député communiste, devant l'école qui porte son nom.
Jean-Michel Ruiz a également rendu hommage à Missak Manouchian et Joseph Epstein, qui se sont rencontrés à Mériel : il a notamment proposé qu'une rue du futur quartier de la gare porte leur nom.
Nous publions ci-après le texte de Jean-Michel, et le remercions pour ce juste moment de partage d'une mémoire qui ne doit exclure personne.
Jean-Michel Ruiz a également rendu hommage à Missak Manouchian et Joseph Epstein, qui se sont rencontrés à Mériel : il a notamment proposé qu'une rue du futur quartier de la gare porte leur nom.
Nous publions ci-après le texte de Jean-Michel, et le remercions pour ce juste moment de partage d'une mémoire qui ne doit exclure personne.
Mesdames,
Messieurs, Chers amis,
Aujourd’hui, le président de la
République a conduit au Panthéon les cendres de quatre superbes
figures de la Résistance française. Ce choix serait parfait, si la
grandeur des héros célébrés ne servait aussi à masquer
l’incompréhensible absence de ceux qui seront oubliés.
La Résistance sauva l’honneur d’une
France ternie par le choix de ceux qui, le 10 juillet 1940, voulurent
en promouvant Philippe Pétain ajouter à l’amertume de la
capitulation militaire l’opprobre du renoncement républicain. Ce
fut alors une bien triste manifestation d’union nationale (569
députés et sénateurs sur 669) qui, quatre ans à peine après
l’élection d’une majorité de Front populaire, mit fin à la
République pour installer le régime collaborateur et dictatorial de
« l’État français ».
Ce qui permit à la Résistance
d’atténuer l’indélébile tache, ce furent trois aspects
indissociables : le courage inouï de ses combattants, sa fibre
sociale confortant l’élan patriotique (le programme du Conseil
National de la Résistance) et l’unité de toutes les composantes
résistantes. Alors que la résistance se déchirait en Pologne, en
Grèce ou en Yougoslavie, elle resta unie en France, malgré les
désaccords politiques et tactiques. L’aristocrate Philippe de
Hautecloque dit "Leclerc" et le métallurgiste Henri Tanguy
dit "Rol" combattirent sous le même uniforme. Avec
Marie-Claude Vaillant-Couturier, 230 femmes résistantes, communistes
et gaullistes indistinctement mêlées, franchirent les portes du
camp de concentration de Birkenau en chantant la Marseillaise, le 23
janvier 1943.
Sans cette unité que rien ni personne
ne put briser, la Résistance aurait-elle eu l’impact qui fut le
sien, dans les combats de 1944 et dans la reconstruction qui les
suivit ? On peut sans crainte répondre par la négative.
Célébrer les quatre noms symboliques de l’union résistante est
donc un devoir. Oublier ceux qui auraient dû être associés au
convoi est une faute. Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle sont
irréfutables, mais Danielle Casanova et Marie-Claude Vaillant
Couturier ne l’auraient pas moins été. Certes Jean Zay et Pierre
Brossolette méritent le respect, cependant Charles Debarge, Missak
Manouchian ou Joseph Epstein ne méritent pas l’oubli.
En un jour de reconnaissance
nationale, laisser de côté la mémoire communiste est proprement
incompréhensible. Voilà désormais les communistes retirés de la
grande photographie nationale, exclus à jamais du Panthéon
républicain.
Faudra-t-il maintenant parler de la
défaite militaire du nazisme sans Stalingrad, de la prise de Berlin
sans Joukov, de la Yougoslavie libérée sans Tito, de la Libération
française sans les FTP, de la reddition de Von Choltitz à Paris
sans Maurice Kriegel-Valrimont et sans Henri Rol-Tanguy ?
Évoquera-t-on la composition du CNR sans Pierre Villon et André
Mercier, celle du Comité français de libération nationale sans
François Billoux et Fernand Grenier ? Et pourquoi pas, si l’on
y est, le Front Populaire sans Maurice Thorez, la Sécurité sociale
sans Ambroise Croizat ?
Le PCF d’août 1944 est clandestin
depuis sa dissolution par le gouvernement français, le 24 septembre
1939. Il a connu des hauts et des bas, harcelé par une répression
féroce qui a décimé à plusieurs reprises ses militants et ses
dirigeants. Mais il est le seul parti politique, déjà installé
avant guerre, qui soit présent en tant que tel, sur tout le
territoire métropolitain. Au moment où se déclenche l’insurrection
parisienne, on estime que ses effectifs sont autour de 60 000,
contre sans doute 5 000 au printemps et à l’été de 1940. Ses
militants animent des comités populaires, sur les questions
angoissantes de la vie quotidienne, participent à la reconstitution
d’un mouvement syndical indépendant et sont pleinement engagés
dans l’action armée directe contre l’occupant, par le biais des
FTP, des Bataillons de la jeunesse, de la MOI, puis des FFI. Ils ont
pour eux la force d’une idéologie et une cohérence à toute
épreuve. Dans la nuit noire de l’Occupation, ils sont animés par
la flamme de l’espérance, celle de la victoire militaire
inéluctable, comme celle de la régénération sociale qui sortira
du conflit. Communistes et Gaullistes ont la volonté partagée de
tout faire pour la victoire. L’esprit d’indépendance manifeste
du Général et le réalisme communiste ont permis un rapprochement
qui a compté pour beaucoup dans cette originalité de la Résistance
française : son unité solide, par-delà les clivages idéologiques
et les différences stratégiques.
Contrairement aux idées reçues, et
largement véhiculées par les médias, les communistes n’ont pas
attendu l’entrée en guerre de l’Union soviétique pour s’engager
dans le conflit.
Tout d’abord, beaucoup des militants
communistes, entrés dès 1940 dans la Résistance, avaient combattu
de 1936 à 1938 dans les brigades internationales pour défendre la
jeune République espagnole alors que le gouvernement socialiste de
Blum prônait la non-intervention laissant Franco et Hitler museler
le pays.
Le 10 juillet 1940 Maurice Thorez et
Jacques Duclos lançaient un appel à la résistance au peuple
Français. Cet appel disait : « "Notre pays connait
maintenant les terribles conséquences de la politique criminelle
suivie par les gouvernements indignes, responsables de la guerre, de
la défaite, de l'occupation... La France encore toute sanglante veut
vivre libre et indépendante, jamais un grand peuple comme le nôtre
ne sera un peuple d'esclaves... C'est dans le peuple que résident
les grands espoirs de libération nationale et sociale et c'est
seulement autour de la classe ouvrière, ardente et généreuse,
pleine de confiance et de courage que peut se constituer le front de
la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France".
A l'automne 1940, le Parti constitue
l'O.S (organisation spéciale) qui comprend surtout des militants
communistes. Les actes de sabotage s'étendant, surtout dans les
entreprises et à la S N C F... Cette simple évocation permet de
mesurer combien l'appel du 10 juillet a été un moment exceptionnel
pour l'engagement des communistes dans la résistance.
Fin 1942-début 1943, naissent les
glorieux F.T.P. Fer de lance de la résistance armée, leur exemple a
constitué un facteur d'entraînement. La Jeunesse communiste, qui a
donné tant de héros - dont le Colonel Fabien ou Guy Moquet, - a
tenu une place exceptionnelle dans la bataille.
Les militants communistes sont de tous
les combats et sont traqués. Je prendrai deux exemples qui
concernent directement notre commune.
Le
premier est Eugène Alliot qui fut Maire communiste de Mériel de
1977 à 1980. Eugène Alliot est venu habiter à Mériel en 1925,
tout près d’ici, rue des Rosiers. Eugène Alliot était un
cheminot qui s’est rapidement engagé dans le syndicalisme et dans
le Parti Communiste qui venait de se constituer. Il a payé très
cher ce double engagement puisqu’à l’époque les délégués
syndicaux ne bénéficiaient d’aucun statut et le patronat et
l’encadrement des grandes sociétés n’hésitaient pas à les
persécuter. Il a pris rapidement des responsabilités dans ces deux
organisations. Son engagement politique lui a valu d’être arrêté
pendant la guerre, par les autorités de Vichy et d’être enfermé
de 1941 à 1944 dans divers camps d’internement dont celui de
Pithiviers.
Après
son retour de captivité, Eugène Alliot a une activité politique
intense, en 1947 il est élu député, puis Conseiller général du
canton de l’Isle Adam sur deux mandatures en 1945 et 1958. A
l’origine, le quartier de Bois du Val où nous nous trouvons se
composait surtout de résidences secondaires, mais à la fin des
années cinquante les résidences principales sont devenues
majoritaires et il était devenu nécessaire de créer une école
pour les enfants du quartier. Dans le cadre de son mandat de
conseiller général, Eugène Alliot a œuvré pour que cette école
soit créée, et cela justifie pleinement qu’elle porte son nom. Il
décède en 1988.
Les
deuxièmes personnalités de la Résistance en lien avec Mériel
peuvent sembler plus surprenante, et pourtant …. . Il s’agit de
Missak Manouchian et Joseph Epstein. Missak Manouchian, Arménien,
communiste, est le héros de « l’Affiche rouge » et
l’un des responsables des FTP-MOI (Francs tireurs et partisans-
Main d’œuvre immigrée). Joseph Epstein, Polonais, communiste, est
le chef des FTP en région parisienne. Les deux seront fusillés au
Mont Valérien. Ils nous rappellent le rôle joué par les immigrés,
« ces étrangers et nos frères pourtant », dans la
Résistance pour que vive la France. Revenons-en à Mériel, Les
policiers Français, qui collaborent avec ardeur, suivent depuis
quelques temps Manouchian. Je cite le rapport de police : «
Le 28 septembre 1943.
Manouchian sort de son domicile à 10 heures 30 et prend le métro à
Alésia pour descendre à la gare du Nord ; son train étant
vraisemblablement parti, il déjeune à la terrasse d'un café voisin
de la gare ; à 12 heures 05, il prend le train et descend à 13
heures 10 à la gare de Mériel dans l'Oise. A la sortie de la gare,
il rencontre un homme. Ils circulent ensemble, et, sur la route de
L'Isle-Adam, ils pénètrent dans le café-restaurant Majestic, sis à
cet endroit. Ils s'enfoncent dans les bois sous une pluie battante ;
nous sommes, pour ne pas éveiller leur méfiance, obligés de cesser
la surveillance ». Cet
homme rencontré par Manouchian n’est autre que Joseph Epstein. En
attendant de connaitre sa véritable identité, les policiers et les
Allemands le surnommeront « Mériel ». Je fais donc la
demande – auprès de la municipalité et aux habitants de notre
ville - pour que dans le quartier de la gare qui va voir le jour,
une rue porte le nom de Missak Manouchian et une autre celle de
Joseph Epstein.
Afin
que l’on oublie pas ! Afin que l'on oublie jamais !
A
une époque où les migrants sont poursuivis ou meurent dans la
Méditerranée, où le Maire de Béziers fiche les enfants des
écoles, où les acquis sociaux du Conseil National de la Résistance
sont mis à mal par les gouvernements successifs, deux ans après
l’assassinat de Clément Méric par des fascistes, les valeurs de
la Résistance et de la République doivent être mises en avant.
Lorsque le Front national, parti raciste, xénophobe et
réactionnaire, fait 32% aux dernières élections sur notre ville,
lorsqu’on encourage, par la mise en place de « Voisins
solidaires ou vigilants », la surveillance entre citoyens, on
s’écarte des idéaux de vivre ensemble et d’égalité portés
par les Résistants.
Heureusement,
les victoires de Syriza en Grèce et de Podemos en Espagne nous
donnent espoir. Je vous appelle à venir ce week-end à République
au Forum européen des alternatives où nous travaillerons à la
construction d’une alternative aux politiques libérales, bien plus
proche de celle qu’envisageaient ceux qui sont tombés sous les
balles allemandes ou des collaborateurs français.
L'histoire montre que le Parti
communiste a été la force décisive pour le progrès social et
démocratique. Il a tenu avec honneur, courage et lucidité toute sa
place dans la résistance. Animés par cette riche histoire, avec
toute notre conviction, nous travaillons à le renforcer, à le
rendre toujours plus efficace au service de notre peuple. A l'exemple
de ses vétérans et des camarades de la résistance, toutes
générations confondues, nous faisons nôtre la dernière pensée de
notre camarade, assassiné en 1941 par les nazis, le député
communiste d’Argenteuil-Bezons, Gabriel Péri : "Et si c'était
à refaire, je referais ce chemin".
Oui, ensemble, construisons un autre
chemin !
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