lundi 3 novembre 2014

Un jeune homme est mort !

Par Jean-Michel Ruiz
Rémi Fraisse est mort, mort car il défendait ses idées. Le procureur de la République d'Albi a déclaré que la mort de Rémi Fraisse a été provoquée par "un explosif militaire de type grenade offensive ». Les premiers témoignages sont donc confirmés, c'est bel et bien un tir des forces de gendarmerie qui est à l'origine du décès d'un jeune homme de 21 ans, ni armé, ni cagoulé, dont le seul bagage était un BTS, des convictions et une passion pour les plantes et les fleurs. La mort du jeune Rémi Fraisse est intolérable.


La justice devra faire toute la lumière sur les circonstances de cette tragédie. La jeunesse de notre pays a bien des choses à exprimer, à crier et à dénoncer. Le travail républicain des forces de l'ordre n’est-il pas, en priorité, de les protéger ? Avec des grenades offensives ? Cette réalité est totalement insupportable.
 Sans attendre les résultats de l'enquête administrative, le ministre de l'Intérieur vient de demander la suspension de l'utilisation de ces projectiles de gendarmerie. C'est bien le moins qu'il pouvait faire. Il en faut davantage. Il faut saisir le Parlement, en abordant toutes les questions sur le type d'intervention des forces de l'ordre en de tels moments, en essayant de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à un tel niveau de tension à Sivens ? Comment permettre à des citoyens qui défendent des idées et des valeurs, se rassemblent et s'opposent à des projets jugés inutiles, de ne pas se sentir criminalisés et menacés ? 

François Hollande et le gouvernement ne semblent toujours pas avoir pris la juste mesure de ce qui vient de se passer. La République se manque a elle-même, quand, dans de telles circonstances, ses plus hauts représentants ont des paroles qui tardent et des décisions qui paraissent bien trop faibles. Les mots de Cécile Duflot, s’ils peuvent sembler excessifs, sont pourtant justes quand elle dit que cette mort « laissera une trace indélébile sur l’action du gouvernement ». En effet, pour les militants de ma génération, on peut rapprocher le comportement du gouvernement Valls/Cazeneuve de celui de la paire Chirac/Pasqua en 1986 lors de la mort de Malik Oussékine. Ce n’est pas l’attitude scandaleuse de quelques casseurs professionnels, dont les procédés se rapprochent plus de ceux de l’extrême-droite, lors des cérémonies d’hommage à Rémi qui souilleront sa mémoire et son combat. Il est à souligner que la quasi-totalité de ces moments de recueillements se sont déroulés dans l'esprit souhaité par la famille de Remi Fraisse avec dignité, respect, calme et détermination.

Aucun projet d’aménagement, quelle que soit sa vocation, ne peut justifier de telles violences et la mort d’un jeune adulte.  Mais il est consternant qu’il ait fallu, après des mois de mobilisation, la mort de ce jeune homme pour prendre enfin en considération les motifs d’opposition à ce projet. Ce drame aurait pu être évité en privilégiant le dialogue plutôt que l’usage de la force. Il est tout aussi consternant d’apprendre, seulement après le début des travaux, les conclusions d’un rapport d’expertise qui remet clairement en cause la pertinence de ce projet au regard de son objectif de soutien à l’agriculture intensive.

Cette situation est d’abord le fruit des carences de l’État dans le débat public et dans l’évaluation des projets agricoles.

Pour aller dans le même sens, neuf militants de la Confédération paysanne sont poursuivis pour avoir manifesté leur opposition au projet industriel de la ferme des « Mille vaches ». Ce projet, lui aussi, est la concrétisation d’un modèle agricole capitaliste ultra-productiviste. Là encore, des militants syndicaux n’ont fait que défendre des convictions, que nous partageons depuis toujours, en refusant un modèle agricole qui se construit au détriment de l’agriculture paysanne et au détriment de la transition écologique. Ces deux mobilisations sont l’expression d’un même problème : celui de l’industrialisation de l’agriculture, soutenue par les politiques de libéralisation européennes.

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